Colloque Dijon 2015. D'un lac à l'autre, architecture comparée de deux villages du Néolithique.
- Par Fabien Langenegger
- Le 23/11/2015
- Dans Palafittes
Présentation faite avec Michel Mauvilly (SAEF)
Les archéologues avaient rendez-vous du 19 au 21 novembre à Dijon pour les Deuxièmes Rencontres Nord-Sud de Préhistoire Récente à Dijon. Le colloque s'est déroulé dans l'imposant amphithéâtre Gallilée et a réuni environ 300 chercheurs, ainsi qu'un nombre important d'étudiants venus assister aux nombreuses conférences. Le thème choisi pour cette rencontre était "Habitations et habitats du Néolithique à l'âge du Bronze en France et ses marges". C'était l'occasion pour nous de présenter un magnifique "syncrétisme" architectural pour l'époque néolithique.
Dans le lac de Morat, la fouille intégrale du village lacustre de Murten-Pantschau par le Service Archéologique de l'Etat de Fribourg (SAEF) a permis de mettre en évidence le plan d'un village identique à celui de Sutz-Lattrigen/Riedstation situé sur les rives du lac de Bienne.
Murten-Pantschau est un des rares villages néolithiques de Suisse occidentale à avoir bénéficié d'une cartographie presque complète des pieux de fondation des structures. Ce village se caractérise par une double rangée de constructions réparties parallèlement à la rive du lac et reliées entre elles par une série de chemins d'une vingtaine de mètre de longueur. Côté terre ferme, les bâtiments au nombre de neuf, sont accolés les uns aux autres sur une cinquantaine de mètres de longueur. Ils sont bâtis sur le même schéma, à savoir trois rangées de poteaux (deux nefs) pour une largeur de 4,5 à 5 m et une dizaine de mètres de longueur. Côté lac, les constructions sont un peu moins nombreuses avec 6 structures; plus espacées, elles présentent également des dimensions plus restreintes. Enfin, le village était relié à la partie du rivage moins soumise aux hautes eaux par deux ou trois chemins surélevés à deux rangées de pieux.
Ainsi, j'ai eu la chance, grâce à la confiance du SAEF, de faire l'étude dendrochronologique de ce magnifique village et de pouvoir me pencher sur l'évolution spatio-chronologique de ce site néolithique. L'analyse des pieux en chêne indique que les premières maisons ont été construites en 3428 av. J.-C. et que le dernier bois en chêne conservé date de 3415 av. J.-C.
C’est avec le village de Sutz-Lattrigen/Riedstation édifié entre 3393 et 3389 av. J.C. sur la rive sud du lac de Bienne, soit une génération plus tard, que nous avons observé de profondes affinités. Les parentés entre les deux villages, éloignés d'une vingtaine de kilomètres à vol d'oiseau, sont si grandes qu’il est pratiquement possible de calquer l’un sur l’autre les plans des deux sites.
Le village de Murten/Pantschau pourrait être légèrement plus modeste et comporter une ou deux constructions en moins, mais compte tenu de l’érosion qui a affecté ses franges, un certain degré d’incertitude reste de mise. L'expertise dendrochronologique a également démontré que c'est sur un référentiel du village de Sutz-Lattrigen/Riedstation que les meilleures corrélations ont été établies. En effet, les courbes de croissance sont comparables et elles indiquent des choix très similaires dans l'approvisionnement du bois d'œuvre entre les deux villages. Nous sommes en droit de nous demander, s'il ne s'agit pas de la même communauté qui, à l'échelle d'une génération, n'a simplement pas délocalisé son village d'un lac à l'autre…
Biblio : Caroline Crivelli, Reto Blumer, Michel Mauvilly, Fabien langenegger et Barbara Bär - Passé, présent et avenir de l'archéologie lacustre fribourgeoise, Cahiers d'Archéologie Fribourgeoise, 14, 2012, p.4-86.
FIN
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